Monde

Californie : la vente de cigarettes bientôt interdite à toutes les personnes nées après le 1er janvier 2007 ?

Son nom : « Assembly Bill 935 ». Ce texte s’inspire d’un texte néo-zélandais de 2022, interdisant là-bas les produits à base de tabac à toutes les personnes nées après 2009. Brookline, une ville de 60 000 habitants dans le Massachussetts à l’est des Etats-Unis, a passé une loi similaire pour tous ceux nés après 2000.

En Californie, où la vente de tabac est déjà interdite au moins de 21 ans, ce serait donc à partir de 2007. Les personnes qui achèteront du tabac malgré tout ne risquent pas d’amende ou de peine de prison. Ce sont les vendeurs qui seraient sanctionnés financièrement. Le cannabis, légal ici, et les narguilés ne sont pas concernés par l’interdiction. En revanche, depuis un référendum en 2020, plus personne ne peut acheter de cartouches de vapotage avec une saveur, un goût de fruit par exemple.

La contrainte face au tabac

Derrière cette loi, on retrouve Damon Connolly, un avocat élu à l’Assemblée de Californie lors des dernières élections en novembre 2022. Il dit que cette législation n’enlèverait aucun droit à qui que ce soit et qu’elle va éviter à une nouvelle génération de finir accros à la nicotine. Il veut surtout que la Californie donne l’exemple et qu’au-delà de ses frontières, d’autres Etats réfléchissent à la question. Les cigarettes tuent 480 000 Américains chaque année. Et il semblerait que les restrictions, les lois – et le marketing bien sûr – aient un impact sur la consommation de tabac. D’après le Centre de contrôle des maladies, 11,5% d’Américains fumaient des cigarettes en 2021, soit presque deux fois moins qu’en 2009.

Reste que tout le monde n’est pas satisfait. Certains s’interrogent sur l’efficacité d’une telle loi alors que les régulations autour du tabac sont déjà très strictes en Californie. Est-ce que ceux qui veulent fumer à tout prix n’auront pas recours au marché noir, parfois en trouvant des contrefaçons encore plus dangereuses ? Est-ce qu’ils n’iront pas dans le Nevada ou l’Arizona voisin pour trouver des cigarettes ?

Un manque à gagner de plus d’un milliard de dollars

Les quelque 20 000 enseignes qui vendent du tabac en Californie ne sont pas enchantées non plus. Charles Janigian, leur représentant, répète aux médias américains que les gens devraient avoir le droit de fumer s’ils en ont envie. Son association va sans doute attaquer cette loi en justice si elle est votée. Il parle d’une perte de temps pour la législature et insiste sur les emplois en péril ou l’argent que l’état californien ne va plus toucher, estimé en 2021 à environ 1,5 milliard de dollars de taxe. Une somme normalement reversée à des programmes de santé.

Mais de son côté, Damon Connolly, l’élu derrière le projet de loi, considère justement que moins de gens qui fument signifie moins de gens malades et donc un impact positif sur les dépenses de santé publique.

À la une

Théâtre : « C’est une lumière que personne ne parvient à broyer », s’enthousiasme Judith Chemla dans le rôle de « Mélisande »

Judith Chemla tient ce rôle jusqu’au 19 mars au théâtre des Bouffes du Nord à Paris.

C’est une artiste complète, inclassable, Judith Chemla, actrice, musicienne et chanteuse lyrique est « Mélisande » au théâtre des Bouffes du Nord, dans une version entre opéra et théâtre de l’œuvre de Maeterlinck et Debussy. Cette adaptation, très libre, signée Florent Hubert et Richard Brunel, s’appelle bien Mélisande, comme si Pelléas, n’était qu’un second rôle. C’est elle qui brûle la scène de sa passion, passion de vivre hors de cet univers dystopique, où les hommes dominent les femmes de leur propre faiblesse.

« J’avais l’impression que c’était un parcours de victime, mais, en fait, c’est l’inverse. C’est une lumière qu’on tente de broyer et que personne ne parvient à broyer, s’enthousiasme la comédienne. Le monde n’est pas prêt à bouger à la fin de cette pièce et je pense que le nôtre est en train de bouger ».

« Des héroïnes sacrificielles »

Et elle le dit publiquement que le monde doit bouger, Judith Chemla qui a subi des violences conjugales. Sur scène, elle habite littéralement ses personnages lyriques : Didon, Traviata, Mélisande, dont elle renverse la funeste destinée en pulsion de vie. « Malgré tout, c’est quand même des héroïnes sacrificielles. Ça interroge profondément sur la place des femmes et ce qu’on a attendu d’elle tout au long de l’histoire. Il y a un sacrifice, mais il y a une lumière totale qui l’entoure », avoue Judith Chemla.

C’est dans ces formes hybrides, modestes et géniales à la fois, entre opéra et théâtre que Judith Chemla est la plus juste et dans cet écrin particulier des Bouffes du Nord, où elle a incarné tous ces rôles.

« On se défait des conventions, on se défait des postures. Pour moi, on est à l’endroit où la musique se forme. C’est unique au monde ce théâtre et de voir aussi près les gens, c’est très fort. Il y a beaucoup d’histoires et ça fait douze ans que je joue ici, c’est vraiment beau », reconnaît-elle.

Vue récemment dans le film La grande magie de Noémie Lvovsky, Judith Chemla impressionne par le choix de ses rôles, souvent tragiques.

Arts & Culture

« Il n’y a pas d’âge pour être nostalgique » : rencontre avec Zélie, chanteuse de 21 ans, qui sort un premier EP pop et mélancolique

La jeune artiste partage son univers dans son premier EP “Zélie, c’est quoi ?”, sorti le 24 février. Elle raconte à franceinfo cette toute nouvelle expérience.

Autrice-compositrice-interprète depuis deux ans, Zélie a sorti son premier EP de neuf titres le 24 février. Un mélange de pop et de variété française avec une touche urbaine. Elle sera en concert au Badaboum, à Paris, le 18 mars, pour se confronter au public.

Baignée dans la variété française dès son plus jeune âge grâce à son père, Zélie a toujours eu un attrait particulier pour la musique, mais son envie d’en faire son métier est arrivée bien plus tard. Sa passion, c’était la danse : « J’en faisais vingt heures par semaine quand j’étais petite, j’ai fait une scolarité à horaires aménagés donc j’allais à l’école le matin et je faisais de la danse l’après-midi ». Son rêve, après le bac, est de devenir danseuse mais, lors de son année de terminale, la jeune artiste se pose beaucoup de questions sur son avenir. « La danse me plaisait de moins en moins, je savais qu’il fallait partir à l’étranger pour faire des formations de danseur contemporain, mais je n’avais pas envie de partir », confie Zélie. Elle arrête donc son école de danse. Ayant ses après-midi libres, elle se découvre une nouvelle passion : écrire des chansons et les poster sur les réseaux sociaux.

« Tu fais mille métiers à la fois »

Après son baccalauréat, elle intègre les cours Florent musique. Pendant sa scolarité, il y a deux ans, elle est repérée par le label Low Wood, avec lequel elle signe un contrat. Un nouveau monde s’offre à elle. « Je composais énormément par plaisir mais je ne visualisais pas ce que c’était de développer un projet et une identité artistique, de donner envie aux gens d’écouter ma musique. Quand le label m’a contactée, ça a un peu tout chamboulé. J’ai dû prendre certaines responsabilités mais ça n’a fait qu’augmenter ma passion parce que même le côté stratégie, marketing, la création de clips et de pochettes, j’adore. Tu fais mille métiers à la fois. »

Et même si la jeune chanteuse manque encore un peu de confiance – la concurrence est rude, il faut se démarquer –, elle comprend rapidement que ce monde de la musique est fait pour elle : « C‘était une évidence. De toute façon, je ne sais pas faire autre chose. »

« J’étais plus heureuse quand j’étais plus insouciante »

Après deux ans de travail, Zélie sort un EP teinté de nostalgie, un peu surprenant lorsque l’on a 20 ans. « La nostalgie, c’est ma principale source d’inspiration. Je pense qu’il n’y a pas d’âge pour être nostalgique. Je suis nostalgique de cette période où je ne pensais pas à mon futur, à mes responsabilités de femme et d’adulte. Je trouve qu’il y a eu une vraie transition entre 19 et 20 ans, un peu violente avec le Covid. Je fais partie d’une génération qui n’a pas eu beaucoup de chance », raconte-t-elle. « Mes chansons parlent de transitions que j’ai parfois mal vécues parce que j’étais plus heureuse quand j’étais plus insouciante, quand j’allais en cours ou boire des cafés avec mes potes. Maintenant, je suis un peu obsédée par la musique, il y a beaucoup de questions qui viennent, donc beaucoup d’angoisse. »

Une insouciance qu’elle retrouve lors de soirées avec des amis. « On fait la fête et on boit de l’alcool pour retrouver cette insouciance. Les soirs où je sors avec mes amis, il n’y a aucune angoisse, c’est vraiment des moments hors du temps, tu n’es pas dans la vraie vie. » Et d’ajouter : « Quand on devient adulte, on perd quelque chose mais, en même temps, plus on se connaît, plus on sait ce qui va nous rendre heureux. On passe juste à une autre ère. » Elle en parle dans une de ses chansons, C’est mon truc.
A travers son EP, Zélie souhaite que tout le monde, peu importe l’âge et la sensibilité, puisse se reconnaître : « 
Même les personnes moins sensibles peuvent se retrouver dans la transition, la déception, la joie, la tristesse, on passe tous par là. J’ai envie de transmettre quelque chose d’intime et d’humain auquel tout le monde peut s’identifier. »

Inspirée par Angèle ou Lomepal

Zélie définit sa musique comme étant de la « pop urbaine » : « Ce que je fais, c’est de la pop, mais il y a un peu plus d’urbain que dans certaines pop plus classiques. » Un choix tout à fait logique lorsqu’on connaît ses inspirations musicales : « J’écoute de la pop francophone comme Emma Peters, Angèle, Ben Mazué, et du rap français comme Disiz, Lomepal ou encore Orelsan. »

Des artistes qui se dévoilent sans filtre dans leurs chansons, comme Zélie dans son titre Merci, le premier de l’EP : « Je l’ai écrit rapidement et d’une traite, ça venait du cœur, je n’ai pas mis de filtre. Je n’avais jamais pensé à écrire sur le fait de vouloir être chanteur, de recevoir du soutien, d’être ému par ça. J’étais assez fière. Et c’est celle qui m’a fait le plus pleurer, c’est la première fois que je me suis sentie vraiment moi-même. »

La jeune chanteuse a « vraiment hâte » de se produire devant le public parisien le 18 mars : « Ça va me donner beaucoup de confiance. » Son prochain objectif : se produire dans des salles parisiennes telles que le Café de la danse et découvrir un jour l’adrénaline de la tournée.

Zélie au Badaboum, à Paris, le 18 mars à partir de 19 heures.

Monde

Mangas : 6 questions pour mieux comprendre les enjeux de l’intelligence artificielle dans la création

La parution jeudi au Japon d’un manga entièrement créé par une intelligence artificielle soulève des questions.

L’auteur d’un manga qui sortira jeudi au Japon avoue avoir « zéro » talent pour le dessin : son œuvre, la première du pays entièrement créée par une intelligence artificielle, soulève des inquiétudes pour l’emploi et les droits d’auteur dans cette lucrative industrie.

Comment une intelligence artificielle peut-elle créer un manga de toutes pièces ? Comment les auteurs s’emparent-ils de cet outil ? Quels sont les risques pour la création ? Qu’en est-il des droits d’auteurs ? Quel est le statut des œuvres générées par les programmes d’intelligence artificielle ?

1 Comment un auteur « sans talent » a-t-il réussi à créer un manga de 100 pages en 6 semaines ?

Tous les engins et créatures futuristes de ce manga de science-fiction intitulé « Cyberpunk : Peach John » sont l’œuvre du programme Midjourney, un outil d’IA apparu l’an dernier qui a épaté la planète, avec d’autres programmes similaires comme Stable Diffusion ou DALL-E 2.

Le programme Midjourney, développé aux Etats-Unis, a rencontré un succès mondial avec ses créations fantastiques, parfois absurdes voire effrayantes mais souvent étonnamment sophistiquées, invitant beaucoup d’artistes à s’interroger sur leur métier.

Pour créer son manga, Rootport a entré des mots-clés comme « cheveux roses », « garçon asiatique » et « blouson », et la machine a donné naissance en une minute environ aux images du héros de l’histoire, dont le visage est cependant assez différent d’une case à l’autre.

Il a ensuite assemblé les meilleurs résultats sur une page de bande dessinée pour réaliser le livre, entièrement en couleur contrairement aux mangas « classiques », et qui fait déjà beaucoup parler en ligne avant sa parution. Rootport – le pseudonyme de l’auteur – a ainsi réalisé ce manga d’une centaine de pages en six semaines seulement, là où un artiste confirmé aurait normalement mis un an, estime-t-il.

« C’était un cheminement amusant, un peu comme jouer au loto« , raconte à l’AFP l’homme de 37 ans. Pour l’auteur, les générateurs d’images utilisant l’IA ont « ouvert la voie à des gens sans talent artistique » à condition qu’ils aient de bonnes histoires à raconter. Rootport raconte la satisfaction ressentie lorsque ses instructions textuelles, telles des « incantations » magiques, engendraient des images. Mais il ajoute que ce travail avec l’aide de l’IA « n’a probablement pas » été aussi satisfaisant que s’il avait dessiné lui-même.

Les auteurs « sans talent » ne sont pas les seuls à s’emparer de l’IA. Eiichiro Oda, auteur de la série phénomène One Piece, a récemment avoué qu’il avait eu recours à ChatGPT , le programme à succès qui génère des textes grâce à l’intelligence artificielle, pour imaginer l’intrigue du prochain épisode de sa série. « Bonjour. C’est l’auteur. Je n’arrive pas à trouver d’intrigue pour One Piece la semaine prochaine. Pourrais-tu en imaginer une? Une super bonne, s’il te plaît », a demandé l’auteur à ChatGPT, selon une vidéo publiée par son équipe sur Twitter.

2 Qu’est-ce que l’IA ne peut pas faire à la place de l’homme ?

« Je suis convaincue que les humains sont toujours meilleurs » pour imaginer des scénarios, également très importants dans les mangas, souligne Madoka Kobayashi, artiste de manga depuis plus de 30 ans, ajoutant qu’elle ne voit « pas vraiment l’IA comme une menace ». « Je pense plutôt qu’elle peut être un excellent compagnon », estime-t-elle.

L’IA peut « m’aider à visualiser ce que j’ai en tête, et me suggérer des idées, que je tente ensuite d’améliorer », ajoute l’artiste. A la Tokyo Design Academy où elle enseigne, Madoka Kobayashi invite ses élèves à observer des figurines pour améliorer leur dessin de détails comme les muscles ou les plis des vêtements.

« Les images d’IA sont géniales, mais je suis plus attiré par les dessins d’humains, justement parce qu’ils sont désordonnés », dit Ginjiro Uchida, un étudiant de 18 ans. Les programmes informatiques ont du mal à dessiner des mains ou des visages aux proportions délibérément exagérées comme un vrai mangaka, et « les humains ont encore un plus grand sens de l’humour« , pense-t-il.

3 Les créateurs peuvent-ils s’opposer au « droit de fouille » ?

Les IA provoquent des controverses juridiques. La start-up derrière Stable Diffusion a d’ailleurs été poursuivie pour avoir « nourri » son IA avec des documents protégés par des droits d’auteur.

Au Japon, des élus se sont inquiétés de la question, bien que selon les experts, les violations de droits d’auteur soient peu probables si les créations de l’IA proviennent de simples commandes textuelles.

Face aux intelligences artificielles qui moulinent leurs œuvres pour générer du contenu, les auteurs ripostent avec de premières plaintes. Leur bataille sera rude : en Europe comme en Amérique du Nord, le droit penche pour les IA mais pourrait évoluer, selon les juristes.

En janvier, aux Etats-Unis, trois artistes ont porté plainte contre Stable Diffusion, Midjourney et DeviantArt, et l’agence de photos Getty contre Stable Diffusion. Ils contestent le droit des IA à traiter des milliards de textes ou d’images, ce qui a permis leur « apprentissage ».

En Europe, une directive européenne de 2019, transposée dans 22 Etats dont la France, autorise ce « droit de fouille » (data mining), y compris sur des contenus sous droit d’auteur, s’ils sont publiquement accessibles. Sauf si le titulaire des droits s’y est opposé expressément.

« Cette exception au droit d’auteur, conçue sur mesure pour permettre l’essor de ces technologies, est passée relativement inaperçue », commente maître Charles Bouffier, du cabinet Racine. « A des fins de recherche, l’exception est absolue, sans opposition possible. Mais à des fins commerciales, les titulaires de droits peuvent refuser et l’indiquer dans les conditions générales du site, par exemple », souligne-t-il.

La difficulté sera de s’assurer que leur opposition est respectée. « Comment savoir si une œuvre a été utilisée dans la phase d’apprentissage? », interroge maître Pierre Pérot, du cabinet August Debouzy.

Le droit américain autorise lui aussi le data mining pour un usage équitable (« fair use »), consacré lors d’un procès anti-Google pour la numérisation de livres gagné par le géant américain.

4 Quel est le statut juridique des œuvres générées par l’IA ?

Pour les contenus générés, le statut juridique est épineux. S’agit-il de contrefaçons, surtout si l’utilisateur de l’IA a requis une production « à la manière » d’un auteur ou imitant un logo?

Le droit français et européen, comme le droit américain, ne reconnaît la contrefaçon qu’en cas de copie d’une œuvre précise. « Ni un genre, ni un style, ni une idée ne sont protégeables par le droit d’auteur », remarque maître Eric Barbry, du cabinet Racine. En revanche, si on reconnaît clairement la source dans l’image générée, la question se pose.

En Europe, une notion pourrait protéger des artistes copiés par des IA: celle de « parasitisme », qui sanctionne le « pillage » des efforts d’autrui. Cette jurisprudence française ouvre droit à dédommagement si un manque à gagner est prouvé.

Récemment, des grandes maisons de luxe ont ainsi gagné contre des fabricants de mode qui copiaient leur « univers », relève maître Marc Mossé, d’August Debouzy.

5 L’utilisateur de l’IA peut-il être considéré comme un auteur ?

Enfin se pose la question de l’utilisation commerciale de ces contenus. A qui appartiennent-ils ? Peuvent-ils être vendus et bénéficier d’un droit d’auteur?

Tout d’abord, les juristes estiment qu’une IA n’est ni propriétaire, ni auteur, ni responsable. « Les IA indiquent dans leurs conditions générales que l’utilisateur, et lui seul, est responsable de l’usage qu’il va faire du contenu », souligne maître Pérot. « Rien n’interdit donc de le commercialiser ».

Faut-il préciser qu’il provient d’une IA ? Ce pourrait être le cas au titre de l’information des consommateurs. La future directive européenne sur les IA (IA Act) pourrait aussi prévoir une obligation de transparence.

Reste le sujet du droit d’auteur. Le droit français et européen précise qu’une œuvre ne peut en bénéficier que si elle est originale et exprime la personnalité de l’auteur. « Cela induit que l’auteur est une personne physique », selon maître Bouffier. « Ce sera compliqué pour les utilisateurs d’IA de se présenter comme auteur à part entière », confirme maître Barbry. Aucun tribunal en Europe n’a encore tranché mais aux Etats-Unis l’Office du copyright vient de refuser le droit d’auteur à une BD générée par IA.

Maître Pérot cite le cas de Théâtre d’opéra spatial, une image générée par une IA qui a remporté un concours en septembre. Son producteur a passé 80 heures à peaufiner ses instructions et retouché le résultat. « On peut considérer là que l’utilisateur a eu un rôle majeur et qu’il y a place pour le droit d’auteur », note l’avocat, citant « un travail de supervision, de choix, d’analyse, de sélection ».

Les productions par IA suivraient ainsi le chemin de la photographie, considérée comme un produit d’outil et non une œuvre jusqu’à un arrêt de la Cour de justice de l’UE de 2011 qui a reconnu aux photographes des « choix créatifs ».

6 L’IA représente-t-elle un danger pour l’emploi des créateurs ?

D’autres craignent que cette technologie nuise à l’emploi des jeunes mangakas, et plus largement des artistes. La plate-forme de streaming Netflix a été critiquée en janvier pour avoir diffusé un dessin animé japonais avec des décors générés par une IA.

« La possibilité que les assistants des mangakas soient remplacés » un jour par une machine « n’est pas nulle », estime Satoshi Kurihara, professeur à l’université Keio de Tokyo, qui en 2020 a publié avec son équipe un manga assisté par IA.

Presque tous les dessins de cette production dans le style du pionnier de ce genre graphique, Osamu Tezuka, avaient été réalisés par des humains. Mais depuis, l’IA est devenue « de première qualité » et va certainement influencer l’industrie du manga, pense-t-il.

Trois grands éditeurs japonais interrogés n’ont pas souhaité exprimer leur vision de l’impact futur de l’IA sur l’industrie du manga. Rootport doute que les mangas créés à 100% par une IA deviendront incontournables, mais « ne pense pas non plus que les mangas réalisés sans aucune IA domineront pour toujours ».