Arts & Culture

« Tenir sa langue », premier roman de Polina Panassenko : pourquoi c’est si important de changer trois lettres dans un prénom

Le premier roman de l’écrivaine russo-française aborde avec une vivacité réjouissante la question de l’exil, et de l’identité, à travers le récit de l’action qu’elle a menée en justice pour retrouver son prénom d’origine.

Le premier roman de Polina Panassenko raconte le besoin viscéral d’une jeune femme de récupérer officiellement son prénom d’origine, francisé après son arrivée en France. Pauline veut redevenir officiellement Polina. L’affaire tient en trois lettres, mais charrie en réalité un enjeu bien plus vaste, toute l’histoire d’une famille d’origine russe, la sienne, marquée par les exils. Une histoire tissée de mots aux consonances étranges, quand elle n’en est pas tout bonnement privée. Tenir sa langue, paru aux éditions de L’Olivier le 19 août 2022, figure dans la deuxième sélection du prix Femina.

L’histoire : une jeune femme souhaite retrouver son prénom d’origine, Polina, francisé en Pauline par l’administration française pour « faciliter son intégration ». Polina a vu le jour en URSS, avant la chute. Elle a passé les premières années de son existence entre le « deux pièces communautaire de l’avenue Lénine » et la datcha, avec ses parents, sa sœur et ses grands-parents. Elle se souvient. En 1990 de l’ouverture du premier MacDo. De l’arrivée le 19 août 1991 dans les rues familières de « grosses boîtes kaki avec une sorte de kaléidoscope intégré ». Elle se souvient aussi de l’atmosphère et des secrets qui se trament dans l’appartement communautaire dans les jours qui suivent, puis de la vie « dans un nouveau pays », la Russie.

En 1993, la famille part rejoindre le père parti en éclaireur en France. Polina se souvient avoir tenté de glisser Tobik, son chat en peluche, dans la valise, en craignant -mystère de la logique enfantine- de provoquer la banqueroute de sa famille. « Immeubles roses, petits drapeaux, des fontaines avec de l’eau qui sort »… Polina se souvient de sa première vision de la France, « sublime », avant de comprendre que son père a choisi d’accueillir sa femme et ses filles avec une première journée à Disneyland…